La question du droit d’auteur pour les primates a en effet été posée en
2017 lors d’un litige entre PETA et une banque d’image libre de droits,
Wikimédia, qui contenait ladite photo. La cour d’appel de Californie à
délibéré que : « […] les violations de droits d'auteur ne pouvaient être
dénoncées que par des humains ». La question de
l’auteur se retrouve bouleversée aussi dans le champ de l’art avec
modernité ; pas uniquement dans un contexte de production photographique
ou générative, comme l’indique André Rouillé :
Avec la modernité, l’affirmation du public et l’accroissement de la
division du travail sur la scène de l’art entament la souveraineté dont
bénéficie l’artiste en raison de son savoir-faire, son métier, son
regard. Désormais l’artiste — sa « patte », son regard — n’est plus
l’unique garant de sa valeur artistique. Après avoir longtemps reposé
principalement sur l’artiste et le tableau, cette valeur est désormais à
construire (en retard et aléatoirement) sur la scène de l’art. Faire art
ne consiste plus à fabriquer (artisanalement) des tableaux
« Il serait trop réducteur de voir en Demachy un prosélyte exclusif
des “procédés d’art en photographie” […] L’usage de méthodes de tirage
qui relève plutôt de la peinture et de l’artisanat graphique a
considérablement inspiré sa vision photographique. » Ainsi — par la mécanisation de
l’image —, une distance se crée avec la vision artisanale du fait
artistique. L’art « traditionnel » est lié à l’artisanat et au geste,
Demachy et les pictorialistes l’incorporent dans un second temps, après
la prise de vue, au processus créatif. « Utiliser la photographie,
c’est-à-dire transférer le fait artistique à une machine est une façon
d’adhérer au programme “Alinéas sur l’art conceptuel”
[de Sol LeWitt] » ainsi dans une nouvelle pratique se détachent du
« métier au sens artisanal du terme ». La critique fait à
l’égard de la production par IA lors de la table ronde Vertigo en
introduction est autant inscrite dans la continuité de ce qu’a entamé la
photographie. La mécanisation de la pratique artistique entraine une
rupture avec le public que l’on retrouve en photographie, mais aussi
dans l’art conceptuel — la rupture avec le public n’est pas forcément
« nouvelle » avec l’usage des algorithmes. Pierre-Damien Huyghe,
explique ainsi que pour Baudelaire, avec l’apparition de la
photographie, « […] la théorie du génie s’effondre », car : « l’opération si
mystérieuse et si fascinante du génie artistique serait réductible à
l’opération d’une petite boite noire ? »
Nous nous posons la question du droit de l’image produite. Or il existe
aussi un droit logiciel, un droit sur les algorithmes. Ainsi une grande
partie des algorithmes de machine learning est distribuée en
« libre », car issus de projet de recherches d’universités ou de
laboratoires. Ils sont distribués sur des plateformes comme arXiv
(1991), gérée par l’université de Cornell, où sont publiés les articles
scientifiques en archive ouverte.
Puis ces algorithmes sont l’objet de projets logiciels — dont un
certain nombre est présent sur le web, sous forme de dépôt et
accessibles sur la plateforme web Github (2008). Ils reposent sur des
licences libres : Creative Common, Apache license, BSD
ou GNU… Les bases de données sont en accès restreint, mais certaines
peuvent être accessibles. Comme la base de données de Microsoft COCO
(Common Object in Context) est accessible à tous et elle est
sous licence Creative Common 4.0 license.
Mais certains projets dérogent à cette règle : GPT-3 (2020) d’OpenAI
est en accès limité par API, tous les utilisateurs de cette technologie
effectuent des requêtes à un serveur. Ainsi OpenAI connait tous les
usages de chacun des utilisateurs.
GPT-2 (2019) est distribué sous Creative Common, mais sans son
modèle pré entrainé par les ingénieurs, car jugé dangereux : « Due to
our concerns about malicious applications of the technology, we are not
releasing the trained model ». Est-ce une démarche
purement éthique ou une peur de rétro-ingénierie de la part de la
concurrence ?
La théorie de la boite noire se retrouve à la fois dans le cadre
photographique, chez Vilém Flusser et dans le cadre de l’Intelligence
artificielle, dans le cadre des thèses des cybernéticiens
connexionnistes.