Mario Klingermann indique qu’aujourd’hui avec le perfectionnement des
modèles préexistant, certaines productions surmontent la uncanny
valley. « So far this AI aesthetic was recognizable, but now models
are getting better and in higher quality1 »,
affirme-t-il. Comment les modèles deviennent-il meilleurs ? Tout d’abord
grâce à des bases de données de plus en plus importantes
(cf. Latent )
, puis aussi la production de modèles plus
complexes. Ainsi Dominique Cardon explique, suivant la formule de Ian
Goodfellow : « Le nombre de neurones dans un réseau double tous les 2,4
ans2 ».
Ainsi nous pouvons aisément comparer l’avancée technique de ces modèles
génératifs avec la différence de qualité des résultats entre les
premiers essais de génération de visage par DCGAN (2016) (fig. 13) avec
la production de la recherche « Analyzing and Improving the Image
Quality of StyleGAN » (2019) (fig. 14). En l’espace de trois ans, on
observe une amélioration drastique de la résolution d’images générées et
de leur qualité « photographique ».
Les augmentations d’images produites par algorithmes restent des
objets d’analyse intéressants : on peut citer les vidéos augmentées du
Train arrivant à La Ciotat (1896) des frères Lumière (fig. 15).
Denis Shiryaev a utilisé ce matériau comme input dans des
modèles upscaling et d’ajout d’image par seconde.
L’output présente une résolution en 4k (3 840 × 2 160 pixels)
et une cadence à soixante images par seconde.
Denis Shiryaev indique avoir utilisé une source disponible en ligne sur
Youtube pour produire sa version. Ainsi, l’input de l’algorithme est
déjà différent du document initial : la numérisation a transformé
l’image et suite à la mise en ligne qui passe par des codecs vidéo
compressifs — H.264 ou HVEC — l’image perd en détail.
Quelles différences avec un agrandissement numérique standard ?
Les agrandissements numériques existaient avant et passent par l’usage
d’algorithmes « traditionnels », mais ils peinaient à ne pas laisser de
traces : soit l’image apparaissait floue, soit l’agrandissement rendait
les pixels visibles. L’augmentation par IA rend donc l’agrandissement
computationnel « discret », mais laisse cependant quelques traces.
En effet, on peut observer des aspérités dans les coins, liés au support
pellicule, qui — interprété comme faisant partie de l’image par
l’algorithme — sont en mouvement, mouvement fluide voir liquide, car
interpolé par l’algorithme. Dans la numérisation du document, ces
aspérités « sautent » d’une image à l’autre. Le document présente une
très forte saccade (vers 0 :41) déjà présente dans le document
d’origine, mais d’autant plus marquée ici par la fluidité des mouvements
précédents. Par ces images numériques, on veut transférer les qualités
esthétiques de la vidéo numérique sur un document analogique. En effet,
l’image produite est standardisée par la résolution et par la fréquence
— les soixante images par seconde ne provenant pas directement du
cinéma, mais des taux de rafraichissement des écrans. Nous retrouvons le
noème du « Ça a été » de Barthes : on regarde des images du passé et
leurs détails plus fins permettent de mieux apprécier le moment passé.
Pour Roland Barthes, la date du cliché reste à l’origine l’objet le plus
important d’une photographie : « […] la photo possède une force
constative, et que le constatif de la Photographie porte non sur
l’objet, mais sur le temps. D’un point de vue phénoménologique, dans la
photographie, le pouvoir d’authentification prime sur le pouvoir de
représentation3. ». Mais cette valeur du « ça a
été » reste réductrice pour André Rouillé :
Le noème du « ça a été » ou « la chose a été là » place en fait la photographie sous une triple autorité : celle d’un passé considéré comme ancien présent, celle de la représentation, et celle des substances. Le « ça » barthésien n’est en effet rien d’autre que la chose matérielle représentée, celle qui est supposée avoir préexisté à l’image […] [Le ça a été] enferme la photographie dans un carcan d’une problématique métaphysique de l’être et de l’existence, et réduit la réalité aux substances4.